Je crois que les vendeuses de chez Nocibé jouent leur vie à chaque fois que quelqu'un leur demande un conseil. Un genre de défi personnel ou bien un sacerdoce... peut-être qu'elles pensent : "si j'arrive à refourguer à cette nana un coffret de chez Lancôme, juré je m'achète un calendrier de l'Avent kinder surprise pour me récompenser". En attendant, quand la charmante "Vanessa" - se conférer au nom sur le badge mis en valeur au sein d'un 95 C rembourré - nous a sautées dessus à ma mère et à moi, je savais que nous repartirions avec le "Nocidou", c'est-à-dire une peluche rouge siglé Inès de la Fressange, offerte dés 75 euros d'achat.
- Bonjour mesdââââââmes... puis-je vous renseigner ?
Cette phrase signa la fin. A peine ma mère prononça le nom d'un parfum que s'en suivi une longue - et pitoyable - tyrade sur l'étendue de la gamme...
- Celui-ci est disponible en bouteille, 75 ou 100 millilitres, tout dépend de la contenance que vous préférez... mais l'inconvénient est bien sûr qu'il est difficile de doser, d'autant plus que l'odeur peut tourner si l'on a tendance à en mettre trop [là, ladite vendeuse adopte le même ton que si elle parlait de la pandémie du SIDA en Afrique] ce serait tout à fait fâcheux, il est vrai que c'est très problématique... Dans ce cas, il y a le vapo, toujours pareil, en fonction de la contenance, avec un flacon en édition limitée, oui oui, spécialement pour les fêtes de Noël, il est véritablement superbe oui oui... Tenez, dans la gamme, vous avez également le lait pour le corps... RAFFERMISSANT, TONIFIANT, REPULPANT, STIMULANT, DRAINANT, ADOUCISSANT, il est for-mi-dâble, c'est bien simple, j'en suis foooolle... Et puis la fluide tonique, un peu plus léger, peut-être davantage pour l'été, ou bien le gel douche, le déodorant en stick ou en spray,les boules pour le bain, l'huile pour le corps, le perfecteur de peau, le correcteur de teint, le gel gommant avec des microbilles de diamant polissantes... Ah et puis sinon...
Une torture, cet exposé aussi minutieux que futile... c'est dans ce genre de moments que j'essaie de me concentrer sur autre chose, par exemple la musique de fond que débite la radio : "Aimeeeeeer jusqu'à l'impoussiblééé aiiiiiimeeeer plousse qué cé possibléééé, cé possiblééé". Tina Arena. Je me serais sans doute pendue si ma mère ne s'était pas dirigée à la caisse avec 120 euros d'achats. On a eu le fameux "Nocidou" Inès de la Fressange. Je songeais déjà à celui que nous avions eu l'an dernier, siglé Sonia Rykiel, qui a fini au placard un soir où Jean-Philippe m'a demandée : "dis, on peut le cacher ton ours? Il me fait peur..."
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