Vendredi 7 mai 2010 à 0:34

 C'est pas que c'est compliqué, mais.
 
 

Vous avez déjà vu une super bouteille de Saint Emilion et une banale piquette de la Butte Montmartre vendue 2,95 euros chez Carrefour? Comment oser la comparaison? 
Une toile de maître et l'aquarelle de votre tonton Jean-Claude qui peint le dimanche après-midi.
Une vraie blonde chatoyante et une poufiasse décolorée.
Une tube indémodable et Justin Bieber. 
Les Playmobils et les Tamagotchis. 
Un jus d'orange fraîchement pressé et un banal jus pasteurisé. 
Daniel Pennac et Marc Lévy.

Tout ça, ça ne va pas ensemble. L'un est indéniablement mieux que l'autre et les mettre sur le même plan serait injurieux. 

Jean-Philippe Star et Amandine.

Jean-Philippe Star, sa brillante école de commerce, ils sont un sur mille à être pris, mais il s'en fiche. LUI, il va faire des études brillantes, LUI il est destiné à une belle carrière, LUI il est parfait quoi qu'il fasse de toute manière. Je peux rivaliser, moi? Je ne peux même pas rester debout à côté. Comme le rose et le vert, mis à côté, ça jure. Moi, je ne suis vouée à rien. Je crois que je me suis complètement perdue.
- Comment ça tu sais pas ce que tu veux faire dans la vie? Après cinq ans de droit, t'as envie de tout arrêter? Mais c'est quoi ce caprice? Oh et puis arrête de nous rabâcher les oreilles avec tes métiers pourris, t'as pas fait toutes ces études pour travailler avec des cas sociaux. 

C'est pas facile de se sentir comme un boulet. Aux yeux de ma propre famille, je pourrais peut-être arriver à le gérer. Mais craindre de le devenir un jour aux yeux de Jean-Philippe Star, ça non. L'ultime geste d'amour, c'est peut-être refuser de finir par l'étouffer. 

Dimanche 2 mai 2010 à 15:02

Je suis pas comme David et Lucie moi, je connais pas tous les blogueurs du monde. En fait, j'en connais que deux. En fait, je connais que David et http://allegrement.cowblog.fr/images/225527223917330.jpgLucie. Par exemple, je connaissais pas Marine. J'ai commencé à la lire quand j'étais en deuxième année de droit et je la prenais trop pour une ouf parce qu'elle était en troisième année. C'était un peu l'héroïne de ma souffrance, la preuve qu'on pouvait bel et bien survivre au droit administratif. Ca fait donc approximativement trois ans que l'on se dit que ce serait bien de se rencontrer.
- On pourrait se voir !
- Tiens, on va prendre un café ?
- Ah oui mais en fait j'ai poney.
- Moi, j'ai piscine. Dis donc, faut vraiment qu'on se rencontre !
- Ah oui dis donc, il faut qu'on se rencontre !

Et puis finalement, Marine a brisé la glace. Rendez-vous est pris, mais pas pour boire un verre ni pour créer l'amicale des juristes en détresse. En vrai, elle a posté un message désespéré sur le mur de mon profil Facebook pour savoir si j'avais pas un Code de l'environnement à lui prêter. Moi j'en avais pas, mais la bibliothèque de mon ancienne fac, si. J'ai dû y retourner et affronter la vilaine bibliothécaire, celle qui te jauge comme un sous-déchet simplement parce qu'elle a le pouvoir ultime de passer le bip sur les ouvrages. La dernière fois que j'y étais allée, elle avait revêtu son plus bel air condescendant juste parce que j'avais rendu mes livres en retard :
- Ca vous fera dix euros de pénalités de retard !
- Quoi? Pour un retard de trois jours?
- Trois semaines. Vous payez ou vous dégagez.

Pour le bien-être de Marine (et aussi pour avoir la conscience tranquille parce que je crois au karma et j'ai pas envie d'avoir le mauvais oeil pour trois livres minables sur l'espace juridique européen), j'ai épongé ma dette. Et j'ai donc vu Marine. Heureusement que je savais à quoi elle ressemblait physiquement parce que sinon, j'aurais crié à l'arnaque : quand tu lis Marine, tu la penses timide alors qu'en fait, elle est enjouée et à l'aise. Du coup, moi qui étais en jour de deuil, qui n'avais pas dormi de la nuit et fondu en larmes trois fois depuis le réveil, je suis passée pour une coincée neurasthénique qui n'arrive pas à aligner deux mots.
- Hey Jean-Philippe Star, tu crois que Marine a crû que je faisais la tête?
- C'est généralement ce qui arrive quand on ne fait ni sourire, ni parler.
- Ah.
- Mais t'en fais pas, en temps normal t'es une fille sympa.


(cet article est donc une forme d'excuses adressées à Marine. Pardon et que ce Code de l'environnement te guide sur la voie de la réussite).

Jeudi 29 avril 2010 à 23:00

Je continue mon périple pour débusquer un stage d'été. Quarante lettres de motivation et quelques réponses d'aimables gens ayant eu pitié de moi plus tard, je commence les entretiens pour de vrai de vrai : ceux qui rendent nerveux la nuit précédente, ceux où il faut trouver la tenue adéquate, ceux où il faut se préparer à répondre à des questions telles que "et votre philosophie de la pérennité d'une entreprise, quelle est-elle?", tout ça, tout ça. Par chance, je suis tombée sur des gentilles. Des gentilles qui veulent me faire faire autre chose que des photocopies. Des gentilles qui croient même en ma capacité à répondre au téléphone --> "Big kassdédi" à ma directrice de stage d'il y a trois ans :
- Vous vous sentez capable de prendre les appels ?
- Bien sûr.
- Non parce que c'est dur, hein. Il faut demander qui est à l'appareil, prendre un post-it et noter le message dessus. Il faut dire "s'il vous plaît", "d'accord", "au revoir", "merci". C'est assez technique, comme mission. Vous n'êtes peut-être pas assez mature pour cela.

Le boulot de mandataire, ça consiste pas seulement à répondre au téléphone et arroser la plante verte sur le bureau. C'est aussi prendre soin de personnes fragiles qui n'ont pas la même conscience du monde qu'un être lambda. J'ai les deux prochains mois pour me préparer psychologiquement :
- Avant-hier, un de mes clients m'a traitée de salope ! Un autre m'a dit que j'avais une tête à me prostituer ! Il faut vous préparer à recevoir des messages sur votre répondeur à 3 heures du matin et à vous faire engueuler le lendemain matin parce que vous n'avez pas répondu !
- Dur...
- Ah non, ça c'était une journée normale ! Par contre, hier, c'était moins marrant : un sociopathe a tenté de me faire une prise de catch dans sa cuisine. 

Malgré tout, j'étais contente. La joie d'avoir dégoté un stage comme une grande, dans un secteur qui m'intéresse potentiellement et l'espoir de peut-être me sortir de l'impasse dans laquelle je suis : "bonjour, j'ai un bac+5 en droit mais je ne sais pas quoi faire avec, j'ai un gros vide devant moi et je pleure trois fois par semaine". Bref, un peu d'auto-satisfaction, c'est rare et ça ne fait pas de mal. Ca, c'était juste avant que j'en parle à ma mère :
- Tu comprends maman, elles ont été super sympas, je pense qu'elles m'ont beaucoup appréciée, je crois que ce sera une bonne expérience ! 
- Hum. Hum. 
- Ca me donne envie de croire un peu en moi ! Je sens que je sors de la période noire que je traversais !
- Hum. 
- Et sinon, tu n'as rien d'autre à dire à part "hum"? 
- Si. J'aurais préféré que tu fasses un truc un peu plus classe : avocate d'affaires ou directrice des ressources humaines. Pas un truc juridico-social, ça fait honte dans les dîners. Autant faire caissière à Monoprix. 


En vrai, elle m'a pas dit les choses comme ça. C'était plutôt : Amandine tentant de convaincre qu'un tel stage est une chouette opportunité VS Mother dont le silence et les "hum" révèlent la déception dans toute son ampleur. Au moins, y'en a un qui ne la décevra pas : Jean-Philippe Star. Accepté dans une école de commerce où il faut vendre son rein pour payer les frais d'inscription, LUI au moins, il est prestige. Forcément, à côté, je ne fais pas le poids dans le coeur de ma mère :
- Alors T'ES PRIS ? Je suis vraiment FIÈRE DE TOI ! Je vais soudoyer tes parents pour t'échanger contre ma saltimbanque de fille ! D'ailleurs, entre nous : qu'est-ce que tu fous avec cette ringarde? Je serais toi, je me serais barrée depuis bien longtemps ! 

Mardi 27 avril 2010 à 22:18

Ces derniers temps, j'ai pris conscience que le manque de confiance en soi pouvait être pathétique. Quand il s'agit de ne pas oser contester des faits pourtant évidents, j'ai envie de m'auto-foutre une claque derrière la tête et de me traiter de pauvre fille :
- C'est Maxime Leforestier qui chante "pour le plaisir" !
- Hum, t'es sûr? C'est pas Hervé Vilard plutôt?
- Bah nan. T'es crétine ou quoi?
- Ah ben tu dois avoir raison...

Mais je peux m'économiser une thérapie sur dix ans, je sais que tout ça, c'est à cause du gynéco qui a accouché ma mère. En exclusivité, les premières paroles que j'ai entendues en ce monde :
- Vous allez pas l'appeler Amandine quand même? C'est un prénom absolument ridicule !

Comme je suis plus sentimentale que rancunière, c'est quand même lui que je vais voir. Rectification : je traverse la moitié de la France, prends deux trains et marche vingt minutes pour aller le voir. Avec systématiquement les mêmes interrogations :
- Vous pourriez me faire une échographie pour vérifier que j'ai toujours deux ovaires?

J'ignore pourquoi, mais j'ai un super feeling avec les médecins. Alors qu'avec les vendeuses de lingerie, pas du tout, par exemple. Mais les médecins, ils me kiffent tous. Y compris le gynéco. Moi je débarque à chaque fois affolée, au-secours-j'ai-mes-règles-huit-fois-par-mois-c'est-quoi-ce-délire, j'ai peur qu'il trouve pas mes ovaires, je récite mes tables de multiplication pour penser à autre chose tellement je stresse, et lui, il me parle politique tout en m'examinant:
- Tiens, l'étudiante en droit ! Que penses-tu de la loi sur la burka?
- Euh... ça vous dit pas, on en parle quand j'aurai plus les pieds dans les étriers ?
- Ne trouves-tu pas cela un brin liberticide, tout de même? Tiens, regarde, on voit tes ovaires ! ... Et la polygamie alors? Tu vas me donner ton avis pendant que je te ferai une échographie, ce sera moins chiant, comme ça.


Qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à faire ce métier? Pompier, on voit à peu près, institutrice ça se comprend aussi, gendarme à la limite (quoi que, non). En fait, devenir gynéco est une décision exclusivement motivée par le désir de toucher des seins. Mais n'est-ce pas une faible compensation par rapport aux horreurs indicibles qui doivent s'enchaîner chaque jour?
- Et donc tu veux devenir médiateur familial. C'est pourri, ça.
- ...
- C'est la misère humaine, on voit des choses affreuses. Faut être con pour vouloir être payé à remédier à la monstruosité. Et je sais de quoi je parle, je vois quarante mycoses par jour ! 
 

Mardi 27 avril 2010 à 16:15

C'est décidé, je bosse mon mémoire, ça rigole plus.

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